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Cimetière (2) : Les morts de Portbou (W.B. 12)

lundi 10 décembre 2012, par Sébastien Rongier




Les morts de Portbou sont allongés au dessus du sol. Ils sentent le vent frapper leur horizontalité. Ils sentent le soleil chauffer la verticalité du mur dans lesquelles les ouvertures forment des boyaux en forme de tombeau. Les morts sont encastrés, têtes ou pieds face à la mer, au soleil et au vent.




Le cimetière, perché sur la colline, au-dessus de la mer, ne permet pas les enterrements. On leur fabrique des cases de mémoire, des tombeaux comme des lits, un matériau de montage.







Les morts de Portbou sont au-dessus de nous, même quand ils sont oubliés, même quand à côté, un emplacement vide fait résonner l’absence. Le vent s’enroule, frappe les parois. Le mort entend le creux du temps qui passe. C’est son rêve. En silence il écoute l’écoulement placide de la mer, le petit tumulte qu’elle fait juste en dessous de leur cimetière. C’est leur petite gourmandise aux morts que ces vaguelettes qui cherchent l’étreinte, ces tourbillons d’écumes qui voudraient se hisser à l’emplacement des morts.








Les concessions sont pour longtemps, parfois oubliées. Mais la vie des morts n’attend pas le nombre des années. Seulement le glissement d’un nouveau cercueil, une plaque bientôt collé à la paroi et vissée pour longtemps. C’est un nouvel équilibre à trouver. Entre les morts se partage l’espace, la percée du ciel. Et surtout l’agitation, le bruit des éléments mêlés au passage des vivants. Ils ne viennent pas pour vous, mais pour un autre. Qu’importe, ils viennent pour les morts, la communauté accompagnante. Les morts de Portbou se partagent les vivants. On vient pour un, on repart, et pour tous, un signe indistinct mais tenace. C’est la densité des morts. Le cimetière de Portbou est un attachement. Les images des morts, se croisent et se dispersent. Il y a l’image arrêtée des plaques scellées, décorées ou abandonnées. Et ce qui nous regarde, c’est l’arrête du temps.














L’ensemble des Variations W.B.





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