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Couloir (4)

vendredi 20 décembre 2013, par Sébastien Rongier








Il avait gardé sa veste doublée par-dessus sa combinaison. Il savait qu’on était en plein été mais il avait bien neigé la semaine précédente. Depuis l’attaque, tout le monde était divisé sur l’origine des phénomènes. Chacun y allait de sa théorie du complot, de son invasion extraterrestre ou de la main de Dieu. Les plus rationalistes avouaient leur incertitude. On avait commencé à noter les changements après le flash. D’abord imperceptibles comme ces fleurs qui ne poussaient plus, ces arbres qui bourgeonnaient. C’était un dérèglement. On n’y avait pas prêté attention. Pas plus que cela. Sauf les deux trois spécialistes qui avaient une vue d’ensemble sur leur domaine et percevaient une mécanique catastrophique à l’œuvre.

Quand Van Ziller a évoqué un déplacement progressif du noyau terrestre, le Président lui-même a demandé en rigolant son internement. Maintenant que le Président est mort avec tout son gouvernement dans le tremblement de terre, on aimerait bien mettre la main sur Van Ziller. Il doit être mort comme les autres.

Il fallait enquêter, poursuivre les recherches. Une équipe de surveillance avait détecté du mouvement dans le bâtiment, un ancien centre administratif vidé depuis le redéploiement des populations survivantes. Dans cette zone C, on n’avait détecté aucun mouvement depuis des décennies. Il avait consulté les rapports accumulés, les statistiques. La zone était dite « rayée » : absence totale de vie et de mouvement, oxygène appauvri et saturation carbonique ne permettant aucune vie. De plus, la friabilité de la croute terrestre par endroit ne permettait aucune intervention d’envergure. Il y était donc allé seul avec son équipement légal. Il savait que les moyens de transmission étaient inutilisables par endroits. Tout était devenu si incertain.

Il était donc dans ce couloir parce que les dernières images décryptées du drone de surveillance envoyé étaient incomplètes et illogiques. Les analystes avaient conclu qu’il s’agissait d’une tempête de sable. Évidemment tout le monde avait d’abord ri. Une tempête de sable dans un couloir de la zone rayée... Puis on s’était souvenu du Président. Ce sont surtout les images qui ont troublé le staff, y compris la vieille garde des anciens Services quand le monde était encore dit opérationnel. Les Natifs eux en avaient vu d’autres, ils étaient donc prêts à entendre ce qui auparavant n’était pas audible. Ils faisaient valoir en même temps que les théories de la torsion ne permettaient pas d’expliquer le phénomène. Il fallait pousser les investigations, prendre des mesures, faire des prélèvements et tenter d’observer ce que les sondes équipées avaient toutes échouées à montrer. Aucune n’était revenue, ce qui donnait à la mission de l’agent Scott une allure de mission suicide. Ce ne serait pas la première pour lui. Il avait fallu trouver un terrain d’atterrissage suffisamment dégagé et stable pour la navette. La triangulation du périmètre avait suffi à le guider. La porte d’entrée n’avait pas bougé, même si l’aile gauche du bâtiment avait disparu dans une anfractuosités sombre. Il était monté à l’étage et s’était retrouvé devant le couloir vide et silencieux, immobile et poussiéreux. Il prit une respiration en ajustant son appareil. Il allait falloir aller au bout.







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