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Ils entrent

Textes sur la performance "Grand atelier"

vendredi 28 novembre 2008, par Sébastien Rongier

Ils entrent

Ils entrent
s’installent
Certains se reconnaissent
En sortant leur matériel, il se reconnaissent, se saluent en parlant de pinceaux, de crayons, de gommes ou du papier qu’ils ont apporté
sa qualité
Ils sont autour
autour d’une estrade
blanche
recouverte d’un drap blanc. Bientôt il y aura
                    Les corps


Mais en attendant les corps en pause, le plateau vide et ceux qui se concentrent déjà dans un quasi silence, préparent matériel, tête et regard
Un jour de pauses
Il y aura bientôt le bruit des mines noires qui enflera dans la large salle, le bruissement des regard sur les feuilles blanches, au départ.


Au départ
Départ des corps
Des corps qui se départissent des linges
Les corps en ligne
nus
les corps en pause
nus
les corps nus en ligne
Une pause, une suspension
Un silence enveloppe la pause des corps
Avant les crayons et les gestes, les traces de gomme ou de pinceau, un silence
L’attention du regard, le premier
Au bout de la ligne
          des corps
Traits sur papier
Peindre à grands traits
Tracer les lignes des corps
le temps de la pause
les corps en ligne


Performance des corps
en ligne


5 minutes
     temps de pause des corps (offerts au regard du trait)
Ils regardent leurs mains qui tracent
Trait d’un corps qu’on découpe
Musique
un musicien derrière sa console, ses ordinateurs, diffuse, rythmes
                         bruits
                         sons
                         samples


dans le silence des dessins
Performance des corps
Performance générale, dispositif en volutes
La ligne se brise, les corps s’échangent
Evoluent les corps de pause
Coups de tête – Se lèvent, se baissent pour accompagner le geste de la main.
Un homme, nu, avec. une légère érection
Des corps blancs, ronds ou noueux. Corps tatoués ou léger bronzage trahi par la marque du slip enlevé.
Corps de femmes
Corps d’hommes
nus


Pause

5 minutes

Dehors, le soleil de midi et les nuages en mouvement
Une grosse araignée dans l’angle d’un mur blanc. Loin du plateau. le mur blanc de la salle fraîchement repeinte. On s’approche : elle bouge. Elle aussi entre deux pauses.


Le corps des dessinateurs. le corps amateur et ses stratégies. comme la main gantée de celle qui dessine, les doigts coupés du gant de cuir marron, pour dessiner.


La boîte à crayon, à dessin : une boîte Monte Cristo, une pochette de cuir noir, une boîte en fer verte, une petite valise en bois neuve avec une poignée de cordelette blanche, une boîte de plastique transparent, une pochette de nylon bleue, boîte en fer de différentes tailles, en plastique de différentes couleurs, une pochette de tissu bleue marine sur laquelle on lit « groupe voyage Gallien » en blanc, une trousse d’écolier beige clair, une boîte plastique, une trousse de cuir noir légèrement usée,


Un homme place une caméra sur un haut trépied. L’appareil filme la séance, le silence au travail et le bruit des crayons qui gratte le grain de papier beige


Une trousse d’écolier


Une boîte qui a contenu de la nourriture avant d’accueillir les crayons


Il y a ceux qui sont debout devant un chevalet. Ils sont nerveux et s’agitent devant la feuille. comme un boxeur tournant autour du ring
Il y a ceux qui sont assis devant une feuille posée face à eux, sur la table. d’autres debout devant la feuille posée sur la table. d’autres assis par terre, les jambes croisées. le corps devant la feuille blanche qui boit toute parole


Une trousse faite de lamelles de bois et d’un fin tissu blanc cousu, formant autant de poches


Le corps des modèles : pause : les rougeurs aux points d’appui qu’on découvre au moment des changements de position. et le temps qu’il faut. progressif et imperceptible. pour qu’ils s’estompent et disparaissent

Ceux qui arrivent et cherchent une place dans le silence des modèles, dans le silence des dessinateurs

Ceux qui attendent une nouvelle pause

Ceux qui regardent le dessin du voisin

Ceux qui ne regardent rien ni personne, rien d’autre que la ligne tracée sur le papier

Le musicien assis derrière ses machine a les pieds nus

Certains rythment s’arrondissent et se taisent pour laisser place à d’étranges samples de cloches, des bruits d’eau dessous, une ambiance sonore qui enveloppe et dessine dans l’espace des perspectives abstraites sur lesquelles s’appuient les danseurs, leur pause

Une abeille trop près des modèle, et l’homme à la caméra qui, voulant la chasser, avec son gobelet laisse sur le drap blanc qui recouvre le plateau, une traînée de café – sa signature, son dessin peut-être en creux de performance

Les corps droits

Les corps droits des dessinateurs, leur tenue raide, position de danseur

D’autres ont le dos appuyé contre le dossier de leur chaise en plastique, coque grise moulée, ergonomie de salle des fêtes

Parfois le bras qui monte, tenant le crayon à la verticale pour visualiser une ligne, tracer le regard d’une forme qui ne serait pas projection, mais adéquation visible d’un geste théorique : le dessin, le nu

La concentration du regard ou le regard sur rien, rien d’autre que l’idée du trait qu’on ne trace pas. Pas encore

Quelle adéquation entre la main et le regard
Ce que la main regarde quand elle furète au milieu de la page

Les danseurs posent. Ils prennent des gestes, des attitudes, des souvenirs de tableaux classiques. Ils arrêtent les mouvements – gestes contemporains au milieu de souvenirs antiques – pour inspirer le trouble, renverser les souvenirs et faire vibrer les références

Les corps ne sont pas offerts

Même quand l’intimité la plus voilée est laissée aux regards, les corps ne sont pas offerts

Ce que l’on voit
Ce que la main cherche à toucher


Ce que l’on voit, Ce que la main cherche à toucher, c’est le geste d’une ligne : moins la chair qu’une ligne, moins la fente qu’un enchaînement

Et soudain, tous les gestes qui convergent vers l’homme dont le geste, nu, ouvre et accueille

5 minutes
2 minutes
10 minutes
Un quart d’heure


Elle dit cela
Ils font cela
Au milieu du plateau blanc, ils posent ensemble. Ou séparément


La femme tatouée sur la hanche et la fesse rebondie


Personne ne dessine le tatouage
Aucun des dessinateurs


Les temps de pause
5 minutes
2 minutes
7 minutes


trop court pour certains. Alors le mouvement du corps – comme un trop tard – et le crayon qui tombe des mains

Ce que le corps en déplacement entraîne dans le cours du dessin : une interruption, un raccord, un prolongement, un point final, une chute

Et quand le corps est en place
quand dans l’œil le corps est désormais placé, se demander par quel trait commencer. Le corps n’est plus qu’un trait. Eclairé sur le plateau, le corps n’est plus qu’un trait posé sur le drapé


Où se pose le regard du modèle
Que croise-t-il des regards qui ne sont que regard-pour-la-main


20 minutes
20 !! – dans la salle
Stupeur du dessin pris dans le piège du temps


Les modèles ont le pouvoir du temps et des compositions

Dé-composition

Ce qui dessine les corps
des fragments
des morceaux posés dans la feuille, accumulés dans un coin
des morceaux disposés, ou qui
               se chevauchent

Quand le dessin est fini et inachevé à l’infini, prendre une autre feuille, recommencer le geste, le regard, le trait