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Parution : " Écarts de l’image (Déplacements et bordures chez Pierre Huyghe)"
mercredi 18 mars 2009, par
Publié aux éditions Klincksieck (collection « L’université des arts »), le volume regards sur l’image regroupe 16 interventions autour de l’image (sommaire complet ici). Il vient de paraitre en ce printemps 2009.
On retrouve ma contribution autour des œuvres de Pierre Huyghe, et plus particulièrement L’Ellipse (1998).
Voici les quatre premiers paragraphes...
Conversation parisienne volée dans le bus 62, le vendredi 9 février 2007
L’image, c’est d’abord une question. Une question interminable, c’est-à-dire un indécidable à explorer, une dimension paradoxale et transitoire – question de passage dirait Raymond Bellour. Pour évoquer sa complexité Marie-Claire Ropars-Wuillemier [1] souligne la duplicité de l’image coincée entre montré, offert, visible, présence et précarité, cette dernière renvoyant à l’absence et à l’effacement dans la visibilité. L’idée d’image devient celle d’un moment dialectique et négatif de l’image se présentant au moment de son retrait. Une forme d’écart fondateur. En sorte que l’idée d’image reposerait d’abord sur une non-adéquation, et non sur une identité ou une norme. L’image serait plutôt le nid d’un impensé, et, le disant en référence à Adorno, l’idée d’image se saisirait comme « non-vérité de l’identité [2] ». Il s’agira donc ici d’évoquer l’image à partir de sa fragilité, de l’explorer comme rapport et expérience, comme instabilité et passage.
De l’écart
La notion d’écart permet de penser ces enjeux. L’écart vient contrarier l’effectivité et le pré-visible. C’est une tension contre les neutralisations de la reconnaissance du connu. L’écart instaure une forme d’im-prévisible au sein de l’image. Le préfixe im- vient contrarier le prévisible c’est-à-dire ce qui est vu et su avant même tout regard. Pour tenter de cerner cet im-prévisible comme forme d’écart, avançons l’idée de l’entrevu/e qu’il faut comprendre comme une tension dialectique. L’entrevu/e est un aperçu, une expérience fragmentée qui se répète. Voir, c’est toujours revoir c’est-à-dire transformer
l’expérience du voir et même du déjà-vu, non pas en reconnaissance,
mais en connaissance. C’est dans cette expérience que l’entrevu
devient entrevue c’est-à-dire dialogue et interrogation, posant ainsi
un enjeu critique.
Le terme d’écart concentre une possibilité de transformation. L’écart, c’est le moment de bascule qui permet de quitter le flux (la reconnaissance du connu, le toujours-semblable [3]). Il renverse l’évidence de l’image (sa doxologie ludique, ses formes de conciliation, voire même ses postures de transgression comme figure imposée). Poser l’enjeu de l’écart, c’est envisager une brèche à explorer. L’art contemporain agit de la sorte avec le cinéma en questionnant
l’image, en posant la possibilité de cet entrevu/e.
Nous concentrerons le propos sur un moment précis de l’art contemporain ouvrant un dialogue particulier avec le cinéma. En le bornant entre 1993 et 2001 [4], nous nous pencherons sur quelques œuvres de Pierre Huyghe de cette période, à savoir Blanche-Neige Lucie (1997), L’Ellipse (1998), et The Third Memory (2000 [5]).
... la suite à lire dans regards sur l’image, Klincksieck, 2009.
[1] Voir Marie-Claire Ropars-Wuillemier, L’Idée d’image, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 1998.
[2] Theodor W. Adorno, Dialectique négative, traduction du groupe de traduction du Collège de philosophie, Paris, Payot, 2001, p. 15
[3] Voir à ce sujet Sébastien Rongier, De l’ironie. Enjeux critiques pour la modernité, Paris, Klincksieck, 2007, et notamment les développements autour du remake au cinéma.
[4] On pourrait situer ces enjeux entre 24 hours Psycho (1993) de Douglas Gordon et The Third Memory (2000) de Pierre Huyghe. Mais cette périodisation mériterait bien des discussions, des éclairages et des compléments.
[5] Pierre Huyghe a réalisé d’autres oeuvres s’articulant à la question cinématographique mais ces trois-ci sont particulièrement cohérentes.