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A trop regarder ceux qui regardent

vendredi 28 novembre 2008, par Sébastien Rongier

On dit « roman graphique », c’est beaucoup plus chic que BD. Reste que Watchmen, les gardiens est une bande dessinée, même si sa construction en fait un objet littéraire particulier, débordant les cadres et les habitudes. Ceux qui ont lu se souviendront des extraits de journaux intimes, de livres, des documents, etc., les autres iront lire.

En découvrant la bande annonce, pardon le trailer [1] de l’adaptation cinéma, je suis allé mettre mon nez dans l’épais volume, inquiet que j’étais par cette bande-annonce-trailer.

Si elle semble visuelle parfaitement conforme à la BD (ce qui n’est pas nécessairement rassurant), ce trailer étonne : tous ces acteurs jeunes et beaux, dans l’éclat de leur érotisme quasi juvénile, on se demande comment ils vont incarner cette génération de super-héros fatigués, revenus de tout, ayant rendu leur carte de « Watchmen » à la société, et devenant neurasthéniques, cyniques, bouffés par l’alcool, le cancer, ou totalement délirants (et par moment tout à la fois).

Ce qui était passionnant dans cette BD, c’était de voir les germes de la folie dans ce désir de puissance d’être un super-héros d’opérette avant d’être laminé par la puissance destructrice de la réalité. Ce qui était drôle dans la bd, c’était de voir le Hibou avoir pris du bide après avoir remisé son costume et ses gadgets dans sa cave sécurisée, de lire les inquiétudes des personnages féminins sur leur pouvoir de séduction, etc. Et tout cela bien avant de se préoccuper de la fin du monde.

Bref, le trailer trahit le produit et prolonge les habitudes consuméristes du déjà-vu contre l’invention et l’aventure d’un point de vue cinématographique sur une oeuvre graphique.

Cela dit, je dis cela sous la forme du pari. Il faudrait aller voir le film... aller courageusement voir le film.


[1C’est comme une bande annonce mais en plus chic.