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La ville avait brûlé (W.B. 20)

jeudi 27 décembre 2012, par Sébastien Rongier

La ville avait brûlé.




Les flammes avaient cerné la ville. Elle était plus encore comme précipitée au bord de la mer. Autour, toutes les collines avoisinantes s’étaient dénudées, laissant un long manteau de poussière noire mélangée à la terre ocre. Et les bois, charbons sortis de terre, formaient une masse aux vagues de nuit, une mer d’encre sans écume. Les collines dévastées laissaient aux vents les boyaux et les serpents de route que les arbres et la végétation cachaient, naguère. L’étagement cézannien (théorie des passages pour la peinture de l’artiste) cède la place à l’austérité d’une masse sombre, presque unique, entre monochrome abstrait et surface noire du dernier Braque).

La ville avait brûlé, le pays aussi. On avait craint pour le cimetière. On avait craint pour les morts que les flammes lèchent la mémoire.





Derrière les collines, d’autres villes et d’autres routes. On ira plus tard. Car Portbou n’est que de passage, un lacet sur la route vers les villes capitales où les vivants brûlent leur énergie pour ne pas mourir, justement.





Le cimetière est une enclave, un monde à part, véritablement. Il faudrait ne pas prendre de recul, ne pas se retourner, ne pas photographier la topographie du cimetière perché sur la colline au bord de la mer.

Lorsqu’on regarde le cimetière, de loin, de l’autre côté, sur le chemin du retour, on voit les linéaments des routes, des tunnels, les plateaux de béton, et la colline grattée pour l’aménagement.

Aménage-t-on le réel ?

Quand on quitte Portbou, on ne quitte pas Portbou. On y revient. On sait qu’on y reviendra comme on sait qu’on relire Paris, capitale du XIXe siècle avec cette expérience… curieux entrelacs, ruban de Mobiüs qui implique une expérience du réel imbriquée dans les lectures benjaminiennes et la lecture de Benjamin lui-même dépliée autrement par espace-temps qu’on appelle Portbou.

Porbou n’est pas une ville, c’est le nom d’une expérience, un rendez-vous de Benjamin avec ses lecteurs. Apprendre encore les traces.







L’ensemble des Variations W.B.






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