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Une silhouette hitchcockienne (vers la généalogie de Samuel)
lundi 3 janvier 2011, par
Combien de fois l’avais-je vu ce film ?
Des séquences qu’on connaissait par cœur (ou presque), les choses lus, entendues.
Enfin tout de même, on parle d’Hitchcock et de North by Northwest.
Vous savez bien...
ou encore
J’en ai passé du temps, comme beaucoup sur cette séquence de l’avion, sur la vente aux enchères, sur le baiser hitchcockien, sur l’incroyable séquence de drague dans le train, etc., etc. Tout le monde se souvient de l’avion qui vient, revient, explose, de la poursuite sur le mont Rushmore, de la mère de Thorhill, de impeccable James Mason, etc., etc. et de toutes les erreurs ou incohérences qui fourmillent dans le film (le récent livre de J.J. Marimbert (dir.) sur La mort aux trousses le rappelle bien). Bien sûr de s’arrêter sur le générique, sur les questions d’architecture et de mouvements, sur le jeu de Cary Grant (ah, la houppette après le passage du camion), etc.
Et de lire les textes importants, ceux de Rohmer-Chabrol, celui (historique) de Truffaut, et puis Douchet, Bellour (L’analyse du film... quel livre !),et les autres, les articles avalés divers et variés. Je n’irai sans doute pas aux conférences de la Cinémathèque (rétrospective oblige) mais ce devrait être un régal.
Bref, ayant à travailler sur le film pour des élèves, il a fallu tout reprendre à plat : rien de plus traitre qu’un film qu’on croit connaître. Alors tout reprendre. Et même là. Même là, malgré les visionnages, les arrêts sur images, et tout cela, il y a encore des choses qui échappe. On a beau avoir un cours tout prêt. Paf ! Quelque chose arrive.
C’est ce quelque-chose-arrive qu’il s’agit d’évoquer : après avoir étudié le générique [1], commencer l’étude de la première séquence : on voit, on revoit... et là on voit, je vois quelque chose qui a sans doute sauter aux yeux de beaucoup (peut-être la glose s’est-elle longuement emparé de de cela mais je ne l’ai pas lu ou, pire, je l’ai oublié) : Hitchcock filme les rues de New-York de la fin des années cinquante. Décor naturel, images de la ville, des mouvements, leur boucle. Effet de boucle justement. Véritable sampling du réel. Soudain, le plan d’ouverture et aussi le plan qui achève cette séquence de mouvement de vie fourmillante de New-York. C’est l’image d’une sortie de bureau. Et comble du hasard (ou du calcul hitchcockien), on lit précisément ces phrases du générique sur ce plan redoublé :
The events, characters and firms depicted in this photoplay are fictitious, and similarity to actual persons, living or dead, or to actual firms, is purely coincidental.
Cette découverte, purely coincidental, m’a stupéfait, arrêté.
Bien sûr, l’idée première (et que je pense faire un jour prochain) est de reprendre le travail sur le double, la duplication chez Hitchcock... thème oh combien fondamental chez lui tant sur le plan formel que sur le plan psychique, se souvenir de Vertigo, pour ne prendre que cet exemple. Hitchcock est un héraut de la schize.
Mais c’est tout à fait autre chose qui m’a frappé : la jeune femme blonde, là, à droite, en tailleur bleu ; la seule à rester immobile, à attendre, appuyée contre le mur. Silhouette parfaite. Hitchcockienne.
Du grain à moudre. Encore.
Oui, mais là, rien de théorique. Ce n’est pas le cervelet théorique qui a fonctionné à ce moment précis. Non, c’est un neurone fictionnel : cette silhouette blonde méritait bien qu’un hasard de fiction (qui ne s’empêcherait aucune digression théorique) se penche sur elle.
Il fallait désormais ouvrir un espace de fiction pour elle, pour comprendre, envisager, cette présence cinématographique forte, puissance, cette quintessence hitchcockienne en quasi palimpseste.
Alors y aller... même si j’ai commencé par un certain détour.
Et bien sûr, toute ressemblance avec des événements ou des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
[1] parce qu’il s’agit d’un générique Saul Bass